Le dernier Envoyé Spécial (Le Business des Émotions) nous a proposé un voyage exploratoire un peu déroutant au cœur de ces nouvelles technologies qui cherchent à mesurer nos émotions. Ce sujet est passionnant, les perspectives sont fascinantes (découvrir ce qui influence tant nos comportements) …mais le reportage a quand même démontré que les technologies, en s’attaquant à cette caractéristique subtile de l’Homme, montraient leurs limites. Pourquoi ? En quoi ? Quelques réactions à chaud.
- On veut mesurer l’irrationnel. On commence par un bel oxymore. Les outils confrontés à ce défi de la mesure le disent d’ailleurs d’eux-mêmes, à travers les résultats qu’ils fournissent : un score qui dit juste « émotion positive ou négative », ou, au mieux, l’identification de l’une des 6 émotions de base. A ce stade, pas encore de valeur ajoutée franche sur que ce que l’homme peut voir de lui-même, en captant les nuances des ressentis.
- On cherche encore d’où viennent les ressentis. Les technologies apprennent à les capter, mais pas encore à en identifier l’origine ; or c’est l’information la plus précieuse pour comprendre sur quoi agir pour créer des émotions positives. « La technologie fonctionne, c’est dans leur interprétation qu’il y a des efforts à faire», dixit un des développeurs de solution. Tant que nous ne savons d’où viennent les émotions, difficile de les comprendre.
- On passe à côté de l’authenticité ! D’une part les instruments de mesure (lunettes, capteurs crâniens, etc) créent malheureusement les conditions d’un comportement de « cobaye », ce qui biaise l’observation des réactions. D’autre part, les machines n’arrivent pas toujours à distinguer des réactions sincères des réactions feintes ; le reportage montre une journaliste qui leurre la machine en imitant une voix en colère…
- On s’interroge sur les usages.
- Certains sont inquiétants : on nous parle d’un détecteur d’intonation vocale, qui promet de faciliter le tri des appels entrants dans un service client, en priorisant les consommateurs en colère…
- Certains sont distrayants : l’exemple d’une dégustation de vin, avec un capteur sur le crâne, qui montre comment la note finale en bouche (qui n’a pas plu) a occulté totalement le souvenir d’une bonne première impression.
Ce reportage démontre que, pour créer du lien avec ses clients, au-delà de connaître leurs comportements, il faut pouvoir les comprendre.
C’est-à-dire observer des réactions, mais surtout entendre l’impression laissée par une expérience, écouter le client expliquer ce qui a provoqué telle ou telle réaction. Parce que questionner sur les émotions délie les langues et permet d’entendre la réalité vécue, mais aussi des envies, y compris celles que l’individu ne soupçonne pas encore !
Christine Marcouyoux & Frédéric Lainé (Productis)
Bruno du Teilleul (Mr.Joe)